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À ma mère, poème
J’écarte
Timidement
Le rideau
Découvre le costume étranger
Dans lequel le souffle habite son oubli
Chinois, les yeux
Ont fini leur course
Dans l’Orient lointain qu’ils évoquaient ouverts
La peau jaune mais lisse
A la jeunesse de la mort
Elle avait creusé son absence
Dans un ressassement du temps
Son désir ancien de liberté
Devenu
Marque-pages dans le livre
Sans fin
Des après-midi au balcon
Tandis que par l’entrebâillement de la fenêtre
Fume la pipe vanillée
De celui
Qui attend son repas
Elle coloriait la saveur du riz de trois pistils de safran
Ne savait pas
Le désœuvrement
La mélancolie de quand darde l’ennui
Mais traversait des déserts de tendresse
Avec pour seule halte
L’oasis d’un souvenir
Alors souvent la peur
Qui pourissait en elle
De ne pouvoir se dire depuis si longtemps
Son sang roulait dans un tumulte inassouvi
Alors
L’hémorragie
Elle avait été petite fille rasée
Par les bonnes sœurs pour qui
Le diable habitait dans les cheveux d’une femme
Elle avait vu à quinze ans
Le feu de la guerre
S’arrêter de l’autre côté de la route
Une bande de goudron avait sauvé des flammes
Les pins de son enfance
Elle en parlait encore
L’odeur de résine
Où flottait
Le sourire des garçons qui lui faisaient la cour
Mais
Paris
La vie bandait son arc
Vers le flou de la cible
Je craignais chaque fois
Qu’elle descendait acheter
Des cigarettes
Qu’elle ne s’envolute en fumée
Je savais sans savoir
L’aridité des draps
La chambre des blessures
Les cendres de sa joie
Je la regarde sans larmes
Avancer
Au ronron régulier
Du tapis roulant
Vers les épousailles de flammes
Où elle danse vive
